Le bien commun

Publié le par Jean-Paul Delpuech

L'assaut final, ou l'eau mitraillée

Dans le cadre d'un cycle sur la mondialisation, nous passons ce soir l'un des excellents films de Carole Poliquin, "Le Bien Commun", documentaire limpide destiné à redonner la vue aux aveugles que nous sommes.

Sept histoires tournées à travers le monde et racontées à la manière de la Genèse témoignent des conséquences déjà bien visibles de la soumission du monde aux intérêts privés.

Dieu créa le monde en sept jours. Quelques années plus tard, survint l'Homme d'affaires avec son agenda bien à lui: transformer le monde entier en marchandise et proclamer enfin le Marché Total...

Effectivement, plus rien aujourd'hui ne semble vouloir échapper au destin de marchandises; l'eau, la santé, les gènes, les connaissances, les biens les plus essentiels à la vie ne seront-ils désormais accessibles qu'aux plus offrants ?

Face à la voracité des marchands, qu'adviendra-t-il de nos sociétés?

Le marché peut-il être garant du bien commun?

Le débat qui prolongera la diffusion de ce film promet d'être riche et animé. Pour l'amorcer, je vais évoquer la guerre de l'eau en Palestine.

Car l'eau est l'élèment central du conflit. Sans eau, il n'y a pas de vie possible. Les Israéliens imposent les transferts des populations arabes en volant leur eau, ce qui n'est pas vous en conviendrez la meilleure des façons pour se faire des amis. Et l'on vient d'entendre, par l'image, que ce bien commun, c'est dabord et avant tout l'art de vivre ensemble. 

Or, dès 1967, l'eau des territoires palestiniens occupés a été placé par Israël sous contrôle militaire et les résidents arabes se sont vu interdire de creuser de nouveaux puits, alors que les colonies juives, illégales,  en foraient sans restriction!

Selon la Banque mondiale, plus de 90% de l'eau de Cisjordanie est utilisé au seul profit d'Israël, les palestiniens ne disposant que des 10% restants.

Sur les territoires de la Bande de Gaza, la situation est pire encore, car les colons et les militaires forent des puits très profonds, qui captent l'eau douce de la nappe phréatique pour arroser les vergers,  ne laissant que de l'eau saumâtre dans les puits palestiniens qui ne sont pas bouchés. Vous ne leur trouvez pas un curieux goût, à ces agrumes JAFFA,Code 729, ces oranges, ces pamplemousses que vous achetez dans vos CARREFOUR, AUCHAN, CHAMPION et autres grandes surfaces car ils sont moins chers que les autres, étant totalement détaxés lors de leur revente en Europe?

En Février 2003 ,les buldozers de l'armée d'occupation ont détruit volontairement la station de pompage (payées par le Canada) des deux puits alimentant encore en eau douce 50% des 140000 habitants rationnés de la ville de Rafah. Cette opération de destruction a été parachevée cette année, il ne reste plus aujourd'hui que de l'eau huileuse, mélange trouble d'eau douce et d'eau salée, impropre à la consommation humaine, et les camions de ravitaillement en eau sont mitraillés.

Deux conduites d'eau alimentent Israël, du Nord au Sud, l'une suit le Jourdain, l'autre suit la cote jusqu'à Tel Aviv, puis descend  le long de la bande de Gaza jusqu'au desert du Naquab.

Cette eau est volée à sa source, sur le Mont Hermon, 2700m, à l'extrémité nord du plateau du Golan, qui est devenu, après les terribles combats qui s'y sont déroulés, le château d'eau d'Israël.

J'ai été recu par le chef des druzes, un docteur en biologie qui cohabite sans problèmes majeurs avec l'occupant, car sa communauté, forte de quelques 18000 personnes a transformé ce plateau en jardin d'Eden, avec des milliers d'arbres fruitiers, alors qu'il est resté aride du côté Syrien. N'étant pas autorisés à utiliser l'eau pourtant abondante sur ce plateau, cet homme a fait installer dans les champs des centaines de réservoirs en tôle qui recueillent l'eau de pluie. Ces druzes ont survécus à l' invasion de 1967, à la contre attaque syrienne de 1973 et à son annexion en 1981. Les forces armées israéliennes, les colons et le dernier kibboutz que j'ai pu visiter avaient jusqu'à présent une population équivalente en nombre et devaient cohabiter en se respectant, étant dépendant économiquement les uns des autres. Cette année, 6000 nouveaux colons vont s'établir et détruire ce fragile et miraculeux équilibre. 118 villages druzes ont été passé au lance flamme en 67 et 73, je crains qu'il n'y en ai d'autres dans un proche avenir.

La consommation moyenne des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza représente environt 150 m3 par personne et par an, tous usages confondus (agriculture, usage domestique, etc..) alors que les colons israéliens consomment entre 750 et 850 m3, bien plus que les israéliens d'Israël qui, eux, en consomment environ 500m3.

A cela diverses raisons:

la consommation d'eau des colons est largement subventionnée,

les colons viennent, pour leur majorité, de pays riches en eau (Europe , Amérique) et ont donc l'habitude de consommer sans compter.

Pratiquement toutes les colonies de la vallée du Jourdain sont agricoles donc grosses consommatrices d'eau.

l'habitat dans les colonies est une organisation de type américain avec villas jardins et piscines

Enfin, les Israéliens paient le m3 d'eau en moyenne 0,4 dollars alors que les Palestiniens le paient plus de deux dollars.

Consommer 5 fois moins et payer 5 fois plus, c'est la terrible discrimination imposé par un état ségrégationiste . D'autant que l'eau ne vient jamais de Sion.

Les sept cent kilométres du mur de l'apartheid ne suivent pas le tracé de la ligne verte frontiére mais celui de l'emplacement des 50 plus importantes colonies.

Comme par hasard, son tracé abscons met 139 puits palestiniens, sur 147, du côté à présent colonisé.

Vous reprendrez bien un verre, à la meilleure santé du président, à la libération de Marwan Bargouthi et de nos bonnes consciences !

Publié dans Israël-Palestine

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